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LA PREMIERE LETTRE
 

 

 

 

 

 

 
    Paris, ce vendredi au soir, 24e avril 1671, chez M. de La Rochefoucauld
   
    Je fais donc ici mon paquet. J'avais dessein de vous conter que le Roi arriva hier au soir à Chantilly. Il courut un cerf au clair de la lune ; les lanternes firent des merveilles. Le feu d'artifice fut un peu effacé par la clarté notre amie, mais enfin le soir, le souper, le jeu, tout alla à merveille. L e temps qu'il a fait aujourd'hui nous faisait espérer une suite digne d'un si agréable commencement. Mais voici ce que j'apprends en entrant ici, dont je ne puis me remettre, et qui fait que je ne sais plus ce que je vous mande : c'est qu'enfin Vatel, le grand Vatel,
    maître d'hôtel de M. Foucquet, qui l'était présentement de Monsieur le Prince, cet homme d'une capacité distinguée de toutes les autres, dont la bonne tête était capable de soutenir tout le soin d'un État ; cet homme donc que je connaissais, voyant à huit heures, ce matin que la marée n'était point arrivée, n'a pu souffrir l'affront qu'il a vu qui l'allait accabler, et en un mot, il s'est poignardé. Vous pouvez penser l'horrible désordre qu'un si terrible accident a causé dans cette fête. Songez que la marée est peut-être ensuite arrivée comme il expirait. Je n'en sais pas davantage présentement ; je pense que vous trouverez que c'est assez. Je ne doute pas que la confusion n'ait été grande ; c'est une chose fâcheuse à une fête de cinquante mille écus.
   
    M. de Menars épouse Mlle de La Grange Neuville. Je ne sais comme j'ai le courage de vous parler d'autre chose que de Vatel.